Alors que les premiers rayons de l'aube se glissaient au travers des rideaux, Amand se réveillait dans un monde à la fois familier et étrange. Sans trop comprendre ce qui avait bien pu lui arriver, il regardait autour de lui. Le fauteuil dans lequel il était affalé dégageait une odeur de vieux cuir. Son dos était engourdi si bien qu’il restait là immobile, tournant la tête de part et d’autre pour observer les alentours avec prudence.
Il se trouvait dans le coin d’une pièce à côté de la fenêtre, une capsule hors du temps qui rappelait un peu le style des années soixante avec son papier peint vintage, et le tic-tac d'une horloge qui inlassablement égrainait les secondes. Alors qu’il se redressait, son esprit encore embrumé par une sorte de léthargie, Amand ressentait un sentiment inexplicable de désorientation volatile.
Étendant le bras sur le côté, il écarta légèrement les rideaux pour lever le voile sur la ville qui semblait s’être transformée en une ombre de son passé. La rue principale était toujours là mais elle avait pris une allure qu’il ne reconnaissait pas, l’Amérique d’une époque révolue. La taverne avait disparu, elle s’était volatilisée, comme si elle n'avait jamais existé.
Amand, comme pour se rassurer se mit à bouger légèrement ses pieds qui reposaient sur un sol inhospitalier en linoléum froid. Au milieu de la pièce, face à lui, un bureau massif s’ouvrait sur une chambre à coucher. Il regarda encore par la fenêtre, scrutant cet endroit étrange. Les rues en bas étaient vides à l'exception du chat errant traînant entre de vieilles voitures. Le silence était assourdissant. Le monde semblait s’être transformé en un miroir tordu de celui qu'il connaissait, un lieu où le passé était un murmure et le présent, une énigme cryptique, une invitation, la fausse familiarité d'une époque passée.
Les doigts pâles du soleil s'étiraient maintenant au travers des fenêtres. Chaque objet, la machine à écrire avec ses touches fanées, le téléphone rotatif avec son cordon enroulé, le lit immaculé qui semblait avoir été évacué par un fantôme brossait un tableau singulier, une histoire indicible, une vie qui avait glissé entre les mailles du temps.
Amand s’était levé et inspectait prudemment les lieux déserts et dans une tentative désespérée de comprendre ce qui se passait les mains d'Amand se mirent à tracer les contours du bureau, une relique chargée de poussière avec son odeur de cuir vieilli et d'encre oubliée sur lequel des papiers aux bords frisés par la manipulation étaient éparpillés, leurs pages flétries formaient une mosaïque de secrets.
Il remarqua un tiroir à moitié ouvert qu’il ouvrit. Il contenait un petit tas de papiers remplis de chiffres méticuleusement brouillés, quelques fins dossiers dans leur pochette en carton et, en dessous, une photographie sur laquelle l’étranger, affichait un sourire différent de ce qu’il avait connu, beaucoup plus naturel. Le regard de l’étranger sur la photo provoqua en lui une sensation sourde, il remarqua soudain que l’étranger lui paraissait proche, un peu comme s’il était une version plus jeune de lui-même, son visage gravé de traits bruts taillé par le rasoir l'oubli.
A son côté, se tenait une jeune femme qui semblait pleine de vie, elle rayonnait d'un feu tranquille, ses yeux immuables, inébranlables, semblaient porter dans son âme même, un défi silencieux à un passé oublié. Sans qu’il ne puisse comprendre pourquoi, le rythme de son cœur se mit à accélérer à la vue de cette image. Le visage de la jeune femme dégageait une aura familière, il émanait quelque chose de connu, comme un lien inexplicable sur lequel il ne pouvait mettre des mots. L'invraisemblance de la situation le fit frissonner.
— “Qui est-elle ?” murmura-t-il.
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